Les enfants atteints de trisomie 13 ou 18, pour la plupart lourdement handicapés et ayant une très courte espérance de vie, et leur famille vivent une expérience globalement heureuse et enrichissante, contrairement aux prédictions habituellement sombres formulées par la communauté médicale au moment du
diagnostic, révèle une étude conduite auprès de parents membres de groupes de soutien publiée aujourd'hui dans
Pediatrics et dirigée par Dre Annie Janvier, du CHU Sainte-Justine et de l'
Université de Montréal, avec la collaboration spéciale de la mère d'un enfant décédé de la
trisomie 13, Mme Barbara Farlow, Ing., M. Sc., à titre de deuxième auteure.
Dans le cadre de l'étude, 332 parents qui vivent ou ont vécu avec 272 enfants atteints de trisomie 13 ou 18 ont été interrogés. Il s'avère que leur expérience diverge considérablement de ce que prévoyaient les prestataires de soins de santé, selon lesquels leur enfant aurait été " incompatible avec la vie " (87 %) ou " légume " (50 %), aurait mené " une vie empreinte de souffrance " (57 %) ou aurait " détruit leur famille ou leur couple " (23 %).
Il faut savoir que les trisomies 13 et 18 sont des maladies chromosomiques rares, le plus souvent diagnostiquées avant la naissance, parfois après. Les enfants ayant reçu ces diagnostics meurent généralement durant leur première année de vie, tandis que ceux qui survivent ont des handicaps sévères et une vie brève. Quand la trisomie 13 ou 18 est diagnostiquée avant la naissance, de nombreux parents décident d'interrompre la grossesse, alors que certains choisissent de la mener à terme, auxquels cas les fausses couches sont nombreuses.
Comme les enfants avec trisomies 13 ou 18 reçoivent généralement des soins palliatifs à la naissance, certains parents qui choisissent de poursuivre la grossesse ou qui souhaitent des interventions pour prolonger la vie de leur enfant se heurtent aux préjugés du système médical. À ce propos, les parents interrogés dans le cadre de l'étude jugent que les soignants voient souvent leur enfant comme étant un diagnostic (" un T13 ", " une trisomie léthale ") plutôt qu'un bébé unique.
"Notre étude fait ressortir que les médecins et les parents peuvent avoir une conception différente de ce qu'on appelle la qualité de vie ", déclare Dre Janvier, néonatalogiste et co-initiatrice d'un programme de maîtrise en éthique clinique pédiatrique de l'
Université de
Montréal. En effet, les parents interrogés estiment à
hauteur de 97 % que leur enfant est heureux, et que sa présence enrichit la vie de leur famille et de leur couple, peu importe jusqu'à quel âge il a survécu. " Dans la littérature médicale, pour tous les handicaps, les patients handicapés -ou leur famille- jugent leur
qualité de vie comme étant supérieure à celle perçue par les soignants ", poursuit Dre Janvier.
Les parents qui reçoivent un nouveau diagnostic de trisomie 13 et 18 qui joignent un groupe de support parental acquièrent souvent une image de ces diagnostics plus positive que les prédictions véhiculées par le corps médical. En effet, selon les parents interrogés, l'appartenance à un groupe de soutien a contribué à leur faire voir leur expérience de façon positive. " Notre étude révèle que certains parents ayant choisi la voie de l'acceptation et de l'amour d'un enfant handicapé ayant une courte espérance de vie ont trouvé bonheur et enrichissement. J'espère que ce savoir rendra les médecins plus aptes à comprendre les parents, ainsi qu'à communiquer et à décider avec eux", conclut Mme Farlow.
Étant donné la rareté des cas de trisomie 13 ou 18 (un cas sur quelque 10 500 naissances), les parents ont été recrutés en passant par les groupes de soutien en ligne, auxquels les parents se joignent souvent après avoir reçu le diagnostic des médecins. Dre Janvier et Mme Farlow prononcent à l'occasion des conférences conjointes sur le sujet des trisomies 13 et 18.