Émissions toxiques de sulfure d'hydrogène détectées par satellite et leurs forçages en milieu côtier

Publié par Isabelle le 09/05/2018 à 12:00
Source: CNRS-INSU
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Le sulfure d'hydrogène est un gaz toxique pour les ressources halieutiques, responsable de catastrophes écologiques naturelles (échouages massifs d'organismes marins sur les plages) et de pertes économiques importantes pour les pays riverains comme la Namibie et l'Afrique du Sud bordés par le système d'upwelling du Benguela.

À l'aide de données satellitaires multi-capteurs, deux chercheurs du Laboratoire d'Études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD) ont mis en évidence l'importance relative des forçages locaux (vents) et à distance (courants et ondes) dans la formation de panaches de soufre à la surface de l'océan et amélioré la détection de ces panaches. Cette étude permettra à terme un suivi et une prévision par satellite de ces émissions toxiques amenées à s'intensifier en réponse au réchauffement global.



Poissons et crustacés morts sur les plages d'Afrique du Sud liés à des émissions de H2S (photos de G. Pitcher, DAFF, Cape Town, South Africa, [email protected])

Le sulfure d'hydrogène, H2S, est un gaz toxique qui dégage l'odeur caractéristique d'oeufs pourris. Les émissions de sulfure d'hydrogène peuvent se produire en milieu côtier sous certaines conditions, notamment lorsque la production primaire (photosynthèse) est très forte. En raison de la sédimentation de la matière organique et de sa reminéralisation en présence d'oxygène, une zone de minimum d'oxygène (OMZ) peut se développer avec des concentrations en nitrates très réduites par le processus de dénitrification. Dans de telles conditions, des émissions de H2S peuvent se produire près du sédiment par l'action de bactéries sulfato-réductrices. Ces émissions sont aussi associées à des émissions de méthane qui s'accumule sous forme de poches dans les sédiments, conduisant à de véritables éruptions de gaz sous pression vers la colonne d'eau. En présence de conditions d'upwelling (entraînant les masses d'eau vers la surface océanique), ce H2S peut alors dégazer vers l'atmosphère.

C'est le cas du système d'upwelling de bord est du Benguela, dont la production primaire est l'une des plus fortes de l'océan global. Dans la partie nord de ce système, au large de la Namibie, les émissions de sulfure d'hydrogène et les panaches de soufre sont des événements que l'on ne trouve nulle part ailleurs dans l'océan mondial avec une telle intensité. Ils ont des effets toxiques sur l'écosystème marin et ont un impact direct sur les cycles biogéochimiques: lorsque H2S est produit et consommé dans l'OMZ, plusieurs réactions biogéochimiques ont une influence immédiate sur les cycles de l'oxygène, du soufre et de l'azote. Ces événements peuvent réduire les quantités de benthos (organismes marins proches du sédiment), de poissons et d'autres organismes marins, et causer la mortalité massive de poissons, huîtres, crabes et crevettes, importants pour l'économie locale. De plus, la population subit les nuisances dues à l'odeur nauséabonde et aux effets corrosifs.


(a): Image Sentinel-2 en vraie couleur (équivalent à la vue humaine). Les panaches de soufre peuvent être identifiés par leur couleur turquoise. L'encadré noir & blanc montre la zone d'étude avec l'extension spatiale de l'image Sentinel-2. (b) et (c) Surface occupée par les panaches de soufre - Variabilité saisonnière (b) et interannuelle (c)

Les chercheurs du LEGOS ont étudié ces panaches dans les eaux côtières de surface de la Namibie dans le cadre du projet TOXIC-RISK. À l'heure actuelle, il existe de grandes incertitudes dans la connaissance de ces événements sporadiques, et notamment leur variabilité temporelle ainsi que leur forçage (par des processus locaux ou à distance). Il existe peu d'études décrivant sur une longue période leur fréquence, leur intensité et leur taille. Les chercheurs ont observé leur variabilité saisonnière et annuelle en utilisant des données satellite multi-capteurs combinées à des mesures in situ. Ils ont identifié les panaches de soufre (soufre élémentaire S0) associés aux émissions de H2S dans les données satellite de couleur de l'océan du spectromètre imageur à moyenne résolution (MERIS) pour la période 2002-2012, en utilisant les différences dans les propriétés spectrales des différents constituants de l'eau de mer. Les données satellite de température (dans l'infrarouge), de vent (par diffusiomètre), d'anomalie de niveau de la mer (par altimétrie) sont aussi utilisées avec des données in situ (température de surface, O2, H2S) afin d'identifier l'origine du forçage: local (vent) ou à distance (courants et ondes).

Le pic d'occurrence saisonnier des événements de soufre se produit entre la fin de l'été austral et le début de l'automne austral, au début du cycle annuel d'upwelling lié à l'augmentation des alizés le long de la côte. L'activité des panaches de soufre est plus particulièrement élevée entre février et avril, pendant le minimum saisonnier d'oxygène. Ces concentrations faibles en oxygène sont dues à la ventilation réduite des eaux de fond avant la période maximum d'upwelling, ainsi qu'un appauvrissement en oxygène lié aux forçages à distance (position du front Angola/Benguela, masses d'eau, ondes piégées à la côte forcées par les ondes de Kelvin équatoriales). De l'hiver au début de l'été austral, le nombre d'événements de soufre est moins important, en raison de l'intensification de l'upwelling et de l'augmentation de l'apport d'oxygène.

Aux échelles interannuelles, les événements soufrés apparaissent intensifiés pour les années 2004, 2005 et 2010, avec des périodes de faible activité pour les années 2002 à 2003, 2006 à 2009 et 2011 à 2012. Ce résultat peut s'expliquer par les contributions relatives du forçage à distance provenant de la zone équatoriale et du forçage local (vent). Ainsi, la probabilité d'apparition de panaches de soufre est supérieure pour les années présentant une intensité moyenne d'upwelling plus faible, une décroissance de l'apport d'oxygène liée à la diminution de la ventilation latérale des eaux de fond, une migration plus au sud du front Angola-Benguela, et une augmentation de l'amplitude des ondes de downwelling piégées à la côte.

Cette étude de la variabilité et des processus de forçage des événements soufrés toxiques pour les ressources halieutiques aidera à les surveiller, les prévoir ainsi qu'à gérer leurs conséquences sociales et économiques dans le système d'upwelling du Benguela.

Ce projet TOXIC-RISK a été financé par l'Union européenne (programme Marie-Curie).

Référence publication:
Ohde T and Dadou I (2018): Seasonal and annual variability of coastal sulphur plumes in the northern Benguela upwelling system. PLoS ONE 13 (2): e0192140. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0192140

Contacts chercheurs:
- Thomas Ohde, LEGOS/OMP
- Isabelle Dadou, LEGOS/OMP
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