Effets de l'acidification océanique sur la production de calcite par les coccolithophoridés

Publié par Isabelle le 19/12/2018 à 14:00
Source: CNRS-INSU
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Les coccolithophoridés à l'Anthropocène: changement de l'ultrastructure de leurs biominéraux face à l'acidification océanique

Une équipe de chercheurs de l'Institut des sciences de la terre Paris (ISTeP, CNRS/SU) a analysé les effets de l'acidification océanique sur la production de calcite par les coccolithophoridés, non pas empiriquement comme cela est classiquement entrepris, mais en quantifiant les changements ultrastructuraux de leurs biominéraux, les coccolithes. Cette étude contribue à une meilleure compréhension des effets de la diminution de pH de l'eau de mer sur les processus de biominéralisation chez ce groupe biologique d'intérêt à la fois climatique et paléoclimatique.


Coccosphères du coccolithophoridé Gephyrocapca oceanica (souche RCC1314 - collection de culture de Roscoff) observée en microscopie électronique à balayage. ©Les auteurs.

Le dioxyde de carbone d'origine anthropique émis dans l'atmosphère est pour une part importante absorbé par les océans de surface. Ce phénomène d'acidification océanique représente une menace pour les organismes marins et notamment les coccolithophoridés, un groupe de microalgues calcifiantes qui joue un rôle majeur à la fois dans la pompe biologique et la contre pompe à carbonate. Le subtil rapport entre l'intensité de leur photosynthèse et de leur calcification détermine si ce groupe biologique agit comme un puits ou une source de CO2 pour l'atmosphère.

De nombreuses études en laboratoire et simulations se sont attachées à quantifier le ralentissement de la production carbonatée due à l'acidification océanique dans le contexte de changements climatiques de l'Anthropocène. Cependant, les processus et les modalités de cette sous-calcification restent encore aujourd'hui mal connus. Il reste essentiel de comprendre d'un point de vue mécanistique comment l'acidification affecte la machinerie cellulaire et d'identifier les étapes de la biominéralisation intracellulaire qui sont perturbées par les changements environnementaux présents, passés et futurs.

Dans le cadre du projet ANR CARCLIM, une équipe de chercheurs de l'Institut des Sciences de la Terre de Paris (UMR 7193 ISTeP Sorbonne Université/CNRS) a étudié l'évolution des paramètres morphométriques de coccolithes produits en laboratoire par l'espèce Gephyrocapsa oceanica cultivée sous une large gamme de valeurs de pH recouvrant les valeurs géologiques (Greenhouse, dernier maximum glaciaire) et futures (Anthropocène). La méthode utilisée repose sur l'analyse d'images de microscopie optique à haute-résolution en lumière polarisée circulaire. Elle permet la quantification des masses moyennes de calcite par coccolithe, mais également d'estimer comment les différentes sous-unités ultrastructurelles des coccolithes sont affectées.


Diagramme montrant l'évolution de la calcification par les coccolithophoridés (ordonnée) en fonction de la masse moyenne des coccolithes (abscisse) sous différentes valeurs de pH du milieu de culture. ©AGU 2018.

Les résultats mettent en évidence que sous des valeurs de pH de l'océan actuel (entre de 8,0 et 8,2), la calcification des coccolithes diminue de 35% au pH extrême de 7,4. L'originalité de cette approche repose sur la mise en évidence que celle-ci n'est pas homogène sur l'ensemble du biominéral, mais s'opère sélectivement en affectant principalement les premiers stades de la coccolithogenèse - et notamment le tube central. Les données permettent donc d'exclure un effet de dissolution post-mortem des coccolithes dans des eaux plus acides, et suggèrent que les fortes concentrations ambiantes en protons induisent une perte fonctionnelle de la trame organique qui promeut et guide la croissance cristalline. Pris dans leur ensemble, les données et conclusions des auteurs montrent que la biominéralisation organo-contrôlée, et non directement la calcification, se trouve(ra) négativement impactée par l'acidification des océans.

Dans l'avenir, il conviendra de coupler l'analyse des molécules organiques impliquées dans la biominéralisation en étudiant une plus grande diversité d'espèces et de souches de coccolithophoridés. Une démarche couplée biométrie / géochimie organique pourra en outre être appliquée à des coccolithes anciens pour mieux quantifier des épisodes d'acidification océanique dans le registre fossile et, plus largement, estimer les variations de paléo-pH de l'eau de mer au cours du Cénozoïque.

Note(s):
Projet CARCLIM (The Coccolithophores: Actors and Recorders of CLIMate change) financé par l'ANR dans le cadre du Défi 1 "Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique" - réf ANR‐17‐CE01‐0004.
Le tube est une structure délimitant l'aire centrale et qui donne insertion dans le cas de G. oceanica au pont qui enjambe cette aire centrale. Sa formation intervient à un stade initial de la croissance du coccolithe.



Références publication:
Hermoso M., Minoletti F. (2018) Mass and Fine‐Scale Morphological Changes Induced by Changing Seawater pH in the Coccolith Gephyrocapsa oceanica, Journal of Geophysical Research: Biogeosciences, doi:10.1029/2018JG004535.

Contacts chercheurs:
- Michaël Hermoso, ISTeP
- Fabrice Minoletti, ISTeP
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