Déterminisme sexuel des animaux: décryptage d'une régulation conservée

Publié par Isabelle le 15/04/2019 à 15:14
Source: INRA
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© Inra
Un mécanisme de contrôle de l'expression des gènes lors de la détermination sexuelle vient d'être mis en évidence chez le médaka, un petit poisson qui sert de modèle pour des recherches dont les résultats peuvent être applicables à d'autres espèces. Des chercheurs de l'Inra et leurs collègues étrangers révèlent comment, au cours de l'embryogénèse, une région très conservée dans le génome du médaka, mais aussi dans ceux d'insectes et de mammifères, régule l'expression de différents gènes essentiels à la mise en place des cellules germinales (sexuelles). Publiés dans Plos Biology le 4 avril 2019, ces résultats de biologie fondamentale chez le poisson, permettront notamment de mieux comprendre certaines pathologies animales et humaines.

Dans l'embryon, la différenciation du sexe est l'étape au cours de laquelle les tissus gonadiques bipotents vont se différencier soit en ovaires, soit en testicules. Commun à de nombreuses espèces, depuis la drosophile jusqu'à l'Homme, le gène dmrt1 (1) est remarquablement conservé dans le règne animal. Ce facteur de transcription (facteur nécessaire à l'initiation ou à la régulation de la transcription d'un gène) s'exprime lors de l'embryogénèse et joue un rôle central pour le déterminisme et le développement de la gonade.

En 2009, une équipe de l'Inra, en collaboration avec des collègues Allemands et Australiens, avait mis en évidence, au niveau de ce gène dmrt1, l'existence d'une région régulatrice appelée la "D3U-box" (la boite D3U). Aujourd'hui, cette même équipe décrypte - au niveau moléculaire - les mécanismes par lesquels, chez le poisson médaka, cette boite D3U régule la stabilité des ARNs issus du gène dmrt1 (ces ARNs seront ensuite directement traduits en protéines). Les scientifiques ont démontré que la séquence de cette boite D3U est directement la cible de deux protéines ayant des fonctions antagonistes et entrant en compétition: l'une stabilise l'ARN de dmrt1 dans les cellules germinales (sexuelles), l'autre entraîne sa dégradation dans les cellules somatiques (non sexuelles).

Ce mécanisme de contrôle de la stabilité des ARNs de dmrt1 (mais aussi de nombreux autres gènes impliqués dans la physiologie des cellules germinales) n'est pas strictement spécifique du médaka. Il est présent chez les insectes jusqu'aux mammifères. Chez une souche particulière de poisson-zèbre, des scientifiques ont établi que le développement d'une gonade femelle ou mâle dépend de la présence ou non d'une mutation au niveau de la boite D3U du gène dmrt1 (2). D'autres travaux ont mis en évidence qu'une mutation de la séquence de cette boite D3U du gène dmrt1 humain est à l'origine, chez certains patients, d'une dysgénésie gonadique. Cette pathologie est associée à un développement anormal des gonades qui se traduit par la présence d'organes génitaux féminins internes et externes malgré un caryotype masculin (3). Ceci constitue un exemple remarquable de travaux fondamentaux réalisés chez les poissons qui peuvent avoir des retombées majeures en pathologie humaine.


Corrélation entre l'expression de la protéine stabilisatrice, en rouge, et l'expression de Dmrt1bY dans les cellules germinales, en vert, lors de la mise en place de la gonade chez le médaka. © Inra

Note:
(1) Dmrt1 pour dsx- and mab3 related transcription factor 1.

(2) An SNP-based linkage map for zebrafish reveals sex determination loci. Bradley, KM., Breyer, JP., Melville, DB., Broman, KW., Knapik, EW. And Smith, JR. (2011), G3 1(1):3-9. DOI:10.1534/g3.111.000190.

(3) Novel DMRT1 3'UTR+11insT mutation associated to XY partial gonadal dysgenesis. Mello, MP., Coeli, FB., Assumpção, JG., Castro, TM., Maciel-Guerra, AT., Marques-de-Faria, AP., Baptista, MT. and Guerra-Júnior G. (2011), Arq Bras Endocrinol Metabol. Nov;54(8):749-53.


Référence publication
Amaury Herpin, Cornelia Schmidt, Susanne Kneitz, Clara Gobe, Martina Regensburger, Aurélie Le Cam, Jérome Montfort, Mateus C. Adolfi, Christina Lillesaar, Dagmar Wilhelm, Michael Kraeussling, Brigitte Mourot, Béatrice Porcon, Maëlle Pannetier, Eric Pailhoux, Laurence Ettwiller, Dirk Dolle, Yann Guiguen, Manfred Schartl, A novel evolutionary conserved mechanism of RNA stability regulates synexpression of primordial germ cell-specific genes prior to the sex-determination stage in medaka. Plos biology.4 avril 2019. https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3000185

Contact scientifique:
- Amaury Herpin - Laboratoire de Physiologie et génomique des poissons
- Département associé: Physiologie animale et systèmes d'élevage
- Centre associé: Bretagne-Normandie
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