Détection de nuages moléculaires à 8 milliards d'années-lumière

Publié par Redbran le 17/09/2019 à 14:00
Source: Observatoire de Paris
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Une équipe internationale impliquant des chercheurs de l'Observatoire de Paris - PSL détecte des nuages moléculaires dans une galaxie située à 8 milliards d'années-lumière. Cette prouesse nous renseigne sur leurs propriétés physiques, très différentes des nuages que nous connaissons déjà dans notre proche environnement galactique. Ces travaux font l'objet d'un article qui parait dans la revue Nature Astronomy, le 16 septembre 2019.


Distribution du gaz moléculaire dans la galaxie du Serpent Cosmique, distordue et amplifiée par lentille gravitationnelle. Au centre, observations obtenues avec le télescope spatial Hubble, montrant les 4 images délimitées par la courbe rouge, ligne critique de l'amplification correspondant au redshift 1.036 de la galaxie. A partir de ces 4 images, l'image de la galaxie non distordue est reconstituée, en haut à gauche. Les contours en jaune indiquent l'intensité de la raie d'émission CO(4-3) observée avec ALMA. La taille du lobe ALMA (ellipse en jaune) est de 0.22'' x 0.18''. L'image de droite représente le zoom de l'image la plus au sud du Serpent, et les nuages moléculaire identifiés, dans l'espace (X,Y) et en vitesse (Z). Grâce à l'alignement d'un objet massif entre l'observateur et l'objet lointain, les lentilles gravitationnelles produisent un effet de loupe, et agrandissent considérablement l'objet lointain étudié. Cette résolution, encore améliorée grâce à l'interféromètre ALMA (résolution de 0.2'') a permis de caractériser les nuages de manière individuelle dans une galaxie lointaine, surnommée le "Serpent Cosmique", située à 8 milliards d'années-lumière.

Les nuages moléculaires sont bien connus au sein de notre galaxie, la Voie lactée ou dans les galaxies proches. Ensembles de gaz froid et dense, présents dans toutes les galaxies, ils sont le berceau de la formation des étoiles. Les amas d'étoiles sont formés via leur condensation.

Une équipe internationale dirigée par l'Université de Genève (UNIGE) et impliquant des chercheurs français de l'Observatoire de Paris - PSL, a pu détecter pour la première fois, avec une résolution jamais égalée, des nuages moléculaires dans une galaxie très lointaine, une "Voie Lactée en devenir" autrement dit.

Utilisation d'un télescope "naturel"

Jusqu'à présent, il était très difficile d'isoler les nuages dans les galaxies lointaines, par manque de résolution spatiale. Pour leurs travaux, les astronomes ont eu l'idée d'exploiter un télescope "naturel" - le phénomène de lentille gravitationnelle -, qu'ils ont couplé à l'usage d'ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimiter Array), un interféromètre de 50 antennes radios millimétriques qui a la capacité de reconstituer de manière instantanée l'image entière d'une galaxie.

Bien plus d'étoiles en formation

Ces observations ont révélé que les nuages moléculaires des galaxies lointaines avaient une masse, une densité et des turbulences de 10 à 100 fois plus élevées que les nuages des galaxies proches. Pourtant cette galaxie est "normale" pour son époque, et n'est pas sujette à une flambée de formation d'étoiles.

L'équipe internationale a aussi découvert que le niveau d'efficacité de formation d'étoiles au sein des nuages moléculaires du Serpent Cosmique est particulièrement élevé, favorisé par les grandes turbulences internes des nuages: dans les galaxies proches, un nuage forme environ 5% de sa masse en étoiles; dans les galaxies lointaines, ce chiffre grimpe à 30%.

Les astronomes attribuent ces différences aux conditions interstellaires ambiantes des galaxies lointaines, trop extrêmes pour la survie des nuages moléculaires typiques des galaxies proches.

La figure ci-dessous compare les densités de surface des nuages dans les galaxies proches, normales ou en mode "starbursts", avec celles des galaxies lointaines, qui se révèlent bien plus grandes.


Masse de gaz moléculaire en fonction du rayon des nuages identifiés dans la galaxie du Serpent Cosmique (points magenta), dans les galaxies quiescentes locales (points gris), les galaxies starbursts locales (cercles noirs pleins) et la galaxie SDP81 à z=3.042 (points bleus). Les lignes en pointillés magenta et bleu indiquent la gamme de masses de gaz moléculaire possibles du Serpent Cosmique et SDP81, respectivement, tels que déterminés avec deux facteurs extrêmes de conversion CO / H2, le facteur calibré dans la Voie lactée (4.36) et celui dans les starbursts (1.0). Les lignes noires indiquent des densités de surface du gaz moléculaire de, respectivement, 100 Msol/ pc2 (ligne continue), 1000 Msol/ pc2 (tirets) et 2600 Msol/ pc2 (pointillés). Les nuages à grand redshift ont des densités de surface de gaz beaucoup plus élevées que les nuages locaux typiques.

Référence:
- Molecular clouds in the Cosmic Snake, a normal star-forming galaxy 8 billion years ago, Dessauges-Zavadsky, M., Richard, J., Combes F. et al, 2019, Nature Astronomy
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