Comment les bactéries marines se nourrissent des polysaccharides sulfatés des algues rouges

Publié par Adrien le 01/12/2017 à 00:00
Source: CNRS-INSB
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Les algues rouges, comme les animaux, produisent des polysaccharides sulfatés qui sont les composants majoritaires de leur matrice extracellulaire. Ces polymères complexes, nommés carraghénanes, ont des propriétés rhéologiques et biologiques uniques et sont notamment utilisés comme gélifiants dans l'industrie. Un consortium international, coordonné par la Station Biologique de Roscoff, et impliquant des chercheurs de l'INRA, du Génoscope-CEA et des universités de Milwaukee (USA) et d'Australie Occidentale, a décrypté la voie complète d'utilisation des carraghénanes par les bactéries marines. Cette étude publiée le 22 novembre 2017 la revue Nature Communications, permet de mieux comprendre les mécanismes moléculaires par lesquels ces microorganismes recyclent la matière organique dans les écosystèmes côtiers et constitue une avancée majeure pour la biotechnologie bleue et la valorisation de la biomasse algale.


Figure. Locus d'utilisation des carraghénanes de la bactérine marine Zobellia galactanivorans. Les gènes sont annotés selon leur famille dans les bases de données CAZY (GH127, GH129-like, http://www.cazy.org/) et SulfAtlas (S1-7, S1-17, S1_17, http://abims.sb-roscoff.fr/sulfatlas/) ou selon leur activité enzymatique. Les structures 3D de la alpha-1,3-(3,6-anhydro)-D-galactosidase DagB (ZGAL_3152, dimère) et de la 3,6-anhydro-D-galactonate cycloisomerase DauB (ZGAL_3156, octamère) sont représentées selon le mode conventionnel "cartoon".
© Gurvan Michel
© Vignette illustrant le résumé: Jonas Collén. Algue rouge Chrondrus crispus

Les algues rouges sont parmi les organismes eucaryotes les plus anciens de notre planète et partagent une parenté lointaine avec les plantes terrestres. Elles jouent un rôle écologique essentiel en contribuant à la production primaire des écosystèmes côtiers à travers le monde. Les macroalgues rouges ont une paroi cellulaire, qui est principalement constituée de galactanes sulfatés (agars ou carraghénanes). De tels polysaccharides sulfatés sont absents des plantes terrestres, mais se retrouvent dans la matrice extracellulaire des animaux (glycosaminoglycanes).

Depuis plus de 70 ans, les carraghénanes sont exploités par l'industrie agroalimentaire pour leurs propriétés gélifiantes et épaisissantes sous le code d'additif E407. Ces polysaccharides complexes et leurs oligosaccharides dérivés ont également des propriétés biologiques prometteuses (anticoagulant, antiviral, immunomodulateur, etc). D'un point de vue écologique, les carraghénanes constituent une source de nutriment précieuse pour les bactéries marines hétérotrophes vivant en milieu côtier. Mais le catabolisme des carraghénanes restait jusqu'à présent largement méconnu.

Pour découvrir les gènes responsables de l'utilisation des carraghénanes, les chercheurs ont pu s'appuyer sur le génome d'une bactérie marine bien connue pour ses capacités à dégrader les polysaccharides d'algues, Zobellia galactanivorans. Ils ont ainsi mené un vrai travail de détective en combinant des approches de bioinformatique et d'analyses transcriptomiques leur permettant d'identifier les gènes candidats les plus probables. Ces gènes font partie d'un réseau de gènes induits (régulon) par les carraghénanes, comprenant un locus d'utilisation de polysaccharides (PUL en anglais) et des gènes distants incluant un transporteur, dépendant de TonB, spécifique des oligo-carraghénanes. Ce régulon a été étudié par une combinaison d'approches biochimique, cristallographique et génétique permettant pour la première fois la description de voie catabolique complète des carraghénanes, des étapes initiales d'hydrolyse des polysaccharides à la bioconversion en 4 étapes du 3,6-anhydro-D-galactose (sucre unique aux carraghénanes) en glycéraldéhyde-3-P et en pyruvate.

Cette étude représente une avancée importante dans la compréhension des mécanismes moléculaires cachés derrière les modèles écologiques qui tentent d'expliquer le recyclage de la matière organique dans les océans. C'est aussi une percée dans le domaine de la biotechnologie bleue. En effet ce travail fournit maintenant tous les outils enzymatiques pour développer des approches de bioraffinerie des algues rouges ou pour modifier à façon la structure des carraghénanes et donc leurs propriétés biologiques.
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