S'arracher les cheveux à en devenir chauve

Publié par Adrien le 19/03/2015 à 12:00
Source: Mathieu-Robert Sauvé - Université de Montréal
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Mieux comprendre les émotions qui déclenchent les désordres d'habitude aidera à mieux cibler les interventions. Photo: Thinkstock
Un des troubles du spectre obsessionnel-compulsif qui pousse à s'arracher les cheveux - jusqu'à en devenir chauve dans les cas les plus extrêmes - aurait pour origine le stress, l'ennui et la frustration, révèle une étude du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal (CRIUSMM), affilié à l'Université de Montréal, rendue publique la semaine dernière. "Ce trouble touche souvent des personnes perfectionnistes qui tolèrent mal leurs limites. Elles retournent leurs frustrations contre elles-mêmes", mentionne le chercheur et psychologue Kieron O'Connor, auteur principal de l'étude et directeur du Centre d'études sur les troubles obsessionnels-compulsifs et les tics (CETOCT).

Le fait de s'arracher compulsivement les cheveux ou trichotillomanie - une maladie répertoriée par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux - fait partie d'une catégorie de maux appelés "comportements répétitifs centrés sur le corps" ou plus simplement "désordres d'habitude" (communément connus sous l'appellation "TOC"). Y figurent aussi la dermatillomanie - s'arracher la peau - et l'onychophagie - se ronger les ongles. Les trois troubles ont été étudiés par l'équipe du professeur O'Connor auprès de 48 participants dont la moitié souffrait d'un de ces TOC. "Ces troubles sont assez fréquents à des degrés divers dans la population, puisque près de 20 % des gens en sont atteints. Mais ils ne mènent évidemment pas tous à la maladie", précise le chercheur.

En contexte expérimental, les sujets se sont livrés au comportement en cause alors qu'ils vivaient une situation stressante (ils assistaient à un écrasement d'avion filmé sur vidéo), frustrante (ils devaient trouver six différences entre deux photos identiques) ou ennuyante (ils ont été laissés seuls dans une pièce pendant six minutes).

Dans un contexte de détente (les sujets visionnaient une vidéo de plage tropicale et étaient incités au calme), leurs attitudes n'avaient rien d'anormal.

Les désordres d'habitude mieux diagnostiqués


Kieron O'Connor
Y a-t-il plus de désordres d'habitude qu'avant dans la population canadienne? Peut-être, répond le spécialiste, mais on ne saurait en être certain. "Il y a 20 ans, on ne parlait guère de ces troubles. Aujourd'hui, on les diagnostique assez bien. Mais notre étude est la première à manipuler expérimentalement les émotions qui leur sont directement associées et qui en seraient la cause."

Dans leur conclusion, les auteurs écrivent que le fait de mieux comprendre les émotions qui déclenchent ces comportements aidera à mieux cibler les interventions. "Les attentes des perfectionnistes à l'égard d'eux-mêmes devraient être atténuées afin de leur permettre d'éviter les situations où l'impatience et la frustration sont exacerbées", peut-on lire dans l'article paru dans le Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry.

Les désordres d'habitude se traitent avec un certain succès au moyen d'une thérapie cognitive-comportementale de 10 à 14 séances, mais ils persistent si rien n'est fait. Le professeur O'Connor et son équipe de cliniciens accueillent chaque année une soixantaine de personnes souffrant d'un trouble du spectre obsessionnel-compulsif, incluant les désordres d'habitude. Certains patients doivent porter une perruque ou se coiffer d'un chapeau afin de masquer la calvitie qui résulte de leur comportement. Ceux qui se rongent les ongles ou s'arrachent la peau ont des plaies ouvertes. "Bien que ces comportements puissent entraîner un important sentiment de détresse, ils semblent également satisfaire une impulsion et représenter une certaine forme de récompense personnelle", explique le clinicien et chercheur.

Le Centre d'études sur les troubles obsessionnels-compulsifs et les tics, situé au CRIUSMM, traite des adultes dans le cadre de projets de recherche. "Les étudiants des universités et des collèges ou cégeps sont sujets à ces troubles, particulièrement durant les périodes exigeantes comme les fins de trimestre et les examens", indique le directeur.

Tics, TAC, TOC

D'origine irlandaise, le professeur O'Connor a bâti son équipe (CETOCT) à Montréal en 1996. Professeur au Département de psychiatrie de l'Université de Montréal, il travaille sur l'amélioration de l'efficacité des interventions psychologiques auprès d'individus qui présentent un TOC, des tics moteurs chroniques avec ou sans syndrome de Gilles de la Tourette, des désordres d'habitude et autres troubles du même spectre. Il a publié Entre monts et merveilles: comment surmonter l'accumulation compulsive, aux Éditions MultiMondes en 2013, avec Natalia Koszegi et Marie-Ève St-Pierre Delorme, le premier guide thérapeutique en français sur le trouble de l'accumulation compulsive (TAC), qui consiste à collectionner d'innombrables objets chez soi. Certains en viennent à ne plus pouvoir circuler d'une pièce à l'autre.

En 10 ans, plus de 400 personnes ont participé aux différents projets de recherche du centre qu'il dirige.
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