Faible taux de naissances après clonage: conséquence de fortes perturbations dans les interactions entre utérus et embryon
Il existe une différence d'expression pour plus de 5 000 gènes entre des embryons clonés et ceux issus d'insémination artificielle (IA) au moment de l'implantation dans l'utérus. Des chercheurs de l'Inra et de l'Université de Californie (Etats-Unis) mettent en évidence l'importance de cette étape clef pour la survie des embryons clonés chez les bovins. Publiés dans la revue PNAS le 8 décembre 2016, ces résultats améliorent la compréhension des mécanismes encore peu connus qui régissent les interactions entre l'embryon cloné et l'utérus. Ils pourront avoir des implications importantes pour l'amélioration du clonage chez les mammifères.
Chez les bovins, le clonage par transfert du noyau d'une cellule adulte dans un ovocyte (ou clonage somatique) aboutit à la naissance de veaux en bonne santé dans seulement 5 à 15 % des cas (contre 30 à 60 % pour la fécondation in vitro). Pourquoi ce taux est-il aussi faible ? Quels sont les mécanismes en jeu ? Quel est le rôle des interactions entre l'embryon et l'utérus au tout début de la gestation ? En 2009, les scientifiques de l'Inra (unité mixte de rechercheBiologie du développement et de la reproduction, Jouy en Josas) et de l'Université de Californie (Etats-Unis) ont révélé le rôle de "biosenseur" de l'utérus vis-à-vis de la qualité des embryons. Ils ont montré comment l'utérus est un tissu dynamique et actif, capable de reconnaître, par un mécanisme de régulation très fin, le type d'embryon avec lequel il établit un contact au moment de l'implantation selon que cet embryon soit issu de clonage, de fécondation in vitro ou d'insémination artificielle (IA).
Plus récemment, les mêmes chercheurs ont poursuivi leurs travaux en comparant les niveaux d'expression des gènes à la fois au niveau de l'utérus et au niveau des tissus extra-embryonnaires (qu'ils soient issus de clonage ou d'IA) au cours de l'implantation (18e et 34e jour de gestation). Les chercheurs ont effectué un séquençage haut débit des ARN dans les tissus extra-embryonnaires (futur placenta) et dans l'endomètre (tissu de l'utérus au niveau duquel s'implante l'embryon). Leurs résultats révèlent des effets majeurs associés aux embryons clonés dès le 18e jour de gestation: une expression différentielle pour plus de 5 000 gènes par rapport aux tissus des embryons contrôles (issus d'IA). Parmi eux, plus de 250 gènes sont associés chez la souris, à des phénotypes létaux (provoquant des défauts de développement embryonnaire ou extra-embryonnaires). Ces travaux suggèrent une forte perturbation des signaux qui régissent les interactions entre l'embryon cloné et l'utérus et bouleversent le déroulement de la gestation.
Cette étude est la première qui analyse simultanément l'expression des gènes chez les embryons clonés et dans l'utérus qui leur fait face pendant la période d'implantation. Les données recueillies aident à la compréhension des mécanismes encore mal définis qui conduisent aux échecs de gestation dans le clonage. Ces travaux laissent donc entrevoir des perspectives importantes pour améliorer les techniques de clonage chez les animaux.
Publication:
Massive dysregulation of genes involved in cell signaling and placental development in cloned cattle conceptus and maternal endometrium. Fernando H. Biase, Chanaka Rabel, Michel Guillomot, Isabelle Hue, Kalista Andropolis, Colleen A. Olmstead, Rosane Oliveira, Richard Wallace, Daniel Le Bourhis, Christophe Richard, Evelyne Campion, Aurélie Chaulot-Talmon, Corinne Giraud-Delville, Géraldine Taghouti, Hélène Jammes, Jean-Paul Renard, Olivier Sandra et Harris A. Lewin, PNAS, 8 décembre 2016, doi: 10.1073/pnas.1520945114
Contact scientifique:
Olivier Sandra - Unité Biologie du Développement et Reproduction (Inra, Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort)